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LA CLEF – INTERMÈDE POIROT


Aujourd’hui, on n’a pas tout ça, mais c’est quand même pas mal. Nous nous sommes accoudés au rempart, à côté de la lunette mange-sous. Derrière, le soleil tape sur les façades et la réverbération nous laisse profiter d’une certaine chaleur. A nos pieds, le petit lac collinaire et bien sûr, le lotissement communal en construction - et en panne - puis les contreforts et les crêtes enneigées. Nous respirons l’air du temps, pas besoin de parler, on est bien, perdus dans nos pensées…
- C’est beau, hein ? 
J’ai sursauté ; un troisième larron, surgi de nulle part - une traboule - est accoudé à nos côtés et surveille « la ligne bleue des Vosges »
On acquiesce, oui, on aime. Après les banalités d’usage sur le temps qu’il fait, notre voisin Hercule - eh oui, c’est lui - nous vante le charme du lieu, son histoire, ses habitants…
- Vous avez vu l’agora au pied du rempart ? L’an dernier on y a joué Phèdre et deux concerts avec l’orchestre du Capitole ! 
Puis en vrac, le scandale financier du lotissement du lac, les animations d’été, les marchés, les expos, le musée… Le syndicat d’initiative ne sait pas ce qu’il perd.
On a eu droit aussi aux commentaires acides sur certains qui se fichent du règlement d’urbanisme
-Vous avez vu cette façade sans volets ? C’est vrai qu’un ministre… 
Avant de le rassurer : Oui, on connaît le Carla, c’est un endroit qu’on apprécie et l’on y vient de temps à autre. On a pu suivre la mise en valeur du site au fil du temps.
- Vous habitez ici ? 
L’homme est disert et ses propos riches en anecdotes. Retraité de l’Aérospatiale, il vit ici, mais pas au village… 
-Vous voyez, en face, au-dessus de la fonderie d’art, c’est ma maison, un bien de famille.
 Nous échangeons sur les sujets les plus divers, agréablement, entre gens de bonne compagnie… D’un coup, il a dit :
- Il ne vous est jamais arrivé de découvrir un endroit ou quelqu’un avec la certitude insensée de le reconnaître ?
Le sujet était vaste, y répondre sans tomber dans les platitudes, difficile. Oui, on avait eu quelquefois l’impression confuse de connaître des gens ; des lieux ? Pas vraiment…Mais on pense que tout le monde, plus ou moins ?
Il a repris :
- Eh bien, moi, il m’est arrivé un truc extraordinaire, il y a une trentaine d’années. Aux vacances, nous étions en chemin pour Figueras – visite culturelle, n’est-ce pas ? – avec un ami, en voiture et par la route nationale. Peu après Le Perthus, j’avise un village, ou plus exactement un site, pour lequel d’un coup j’aurais pu décrire les moindre détails, même ceux cachés à mon regard. Car tout a collé aux images surgies de ma tête. J’ai prié mon copain de prendre la première à droite et nous sommes allés sur place. Une cerveza à la bodega du coin s’imposait. J’étais très perturbé, car c’était la première fois que je passais la frontière…
Intéressante histoire, dite avec l’accent du vécu. Il a poursuivi :
- Bien des années après, je me suis intéressé à la généalogie en général, et en particulier pour ma famille. De recherche en recherche, j’ai eu la surprise de ma vie : Il se trouve que mes ancêtres, artisans, se sont installés sur le Carla en 1608. Ils arrivaient d’Espagne. A cette époque, être de la religion réformée là-bas, entraînait des persécutions de toute sorte, voire un destin funeste. Le royaume de France, avec l’édit de Nantes, sans être parfait, c’était nettement mieux. Et quand je vous dirai que le village d’origine est celui que j’avais « reconnu », vous conviendrez que ça m’ait interpellé ! 
Là, c’était carrément passionnant… Et nous, scotchés !
- Alors, j’ai réagi, pris du recul et tenté d’analyser un peu la chose. La mémoire des gènes ? En admettant, le calcul est sans appel : une chance sur deux puissance n, n étant le nombre des générations nous séparant de l’époque. Il est probable qu’il y a plus de chances en jouant à l’euro million… Il ne resterait qu’une autre hypothèse, que j’ai privilégiée: la réincarnation ! 
J’ai opiné :
- Bigre, mon cher Monsieur, comme vous y allez ! Quoique, en y regardant de plus près, la métempsycose pourrait tout expliquer… 
-Vous voyez ! Donc et en conséquence, je me suis fait bouddhiste. Mais attention, je n’ai pas adhéré à tout : me réincarner en animal, pas question ! Nous discutons un moment là-dessus, puis la conversation tombe et nous retournons à nos contemplations. Et puis d’un coup, pfuitt, il n’était plus là, le sympathique Hercule, envolé, disparu. Une traboule complice ?
On est rentrés sur Toulouse peu après. Ravis de cet intermède, mais pour moi, un peu impressionné, mal à l’aise. Allez savoir pourquoi : peut-être ce rêve récurrent qui hante mes nuits ?


La question est posée....

A suivre

Parceval

Bonsoir Parceval,

Un récit très bien conté !
Vivement la suite !



Belle soirée cher ami poète Parceval !
Toutes mes amitiés
Sybilla

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Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates "réelles" de parution.


Le rêve est le poumon de ma vie (citation de Sybilla)