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LA CLEF – JOURNÉES GRISES
C’avait été une semaine pénible. Le printemps resté une inscription au calendrier. Aux derniers jours de Mars, des pluies insistantes, du vent, et le tout bien frais ; de quoi avoir le moral en berne. Et le bourdon, je l’avais, même si d’autres raisons confuses concouraient à mes états d’âme…
Heureusement, Caroline passe le week-end à la maison ; sa présence calme mes angoisses, sans les apaiser vraiment. Car je ne suis pas très clair en ce qui nous concerne. Depuis trois ans qu’on est ensemble, notre relation dépasse largement le bord de la couette, et il aurait été normal qu’on saute le pas pour une vie de couple. Je la sais en attente et pourtant je n’arrive pas à m’engager sur ce terrain. Malgré mes sentiments et mon attachement pour elle.
Je dois être maudit : deux fois déjà que je m’étais senti prêt à jeter l’ancre, et j’avais botté en touche, laissé s’étioler des liens pourtant tissés. Peut-être parce que je suis un enfant trouvé ? Au sens littéral du terme, abandonné dans une chapelle mariale. Le sort a été bon pour moi : J’ai été adopté très tôt par un couple aimant, qui m’a donné toute l’affection qu’un enfant peut désirer, et pourvu à mon éducation. Mieux encore, dans leur situation, ils m’ont permis un cursus d’étude qui m’a amené à exercer le métier d’avocat d’affaires.
Il y a cinq ans, un stupide accident de la route m’a privé de ceux que j’aimais plus que tout : mes plus que parents. Même cela ils l’avaient prévu : je me suis retrouvé à la tête d’une chaîne de magasins genre « le monde chez vous »
Distributeur d’exotisme en tous genres. Affaire saine et bien gérée ; une équipe compétente et motivée dans laquelle je me suis intégré sans peine.
Je ne me suis jamais préoccupé de retrouver mes origines. Mais depuis quelques temps, j’ai des moments de flottement, une sensation de vide. Et un rêve qui revient souvent : une propriété ceinte de hauts murs, une poterne où l’on m’attend. Jusqu'à présent bien dans mes baskets, me voilà mûr pour une analyse.
Horreur, j’ai horreur des psys. Il faut se ressaisir !
Ah, Caro, mon rayon de soleil ! On s’est connus à la fac de droit, perdus de vue et retrouvés, et plus avec affinités. Oui, mais voilà , Caro, je n’ai pas pu lui dire, je n’ai pas su. On dirait que les mots sont gelés dans ma gorge. Ce week-end chez moi, c’est parce qu’elle part lundi aux States pour un mois, en déplacement professionnel. Et je ne suis pas sûr de la retrouver à son retour, du moins comme avant, elle a beaucoup d’intuition. J’ai peur.
Bon, profitons du présent. Samedi, c’était concert au Capitole, un régal. Nous déjeunons ce Dimanche royalement : foie gras, jurançon, tournedos Rossini petits légumes (Eh oui, je cuisine) fromages et sorbet pour conclure. Nous sirotons notre café, en pause tendresse. Que faire de cet après-midi, sainte télé, couette coquine ou enfin prendre l’air ? Avec ce temps….
Justement, il se calme un peu le temps. On dirait qu’une éclaircie se profile. Caro est partante pour une promenade, n’importe où. On boucle et en voiture Simone ! Sans l’avoir prémédité, j’ai pris la route de Foix, par la vallée de la Lèze. C’est un chemin que je prends pour musarder. J’aime la campagne et les villages qui jalonnent le parcours. Le colza est en fleur, le tapis jaune s’éclaire de rayons furtifs qui filtrent des nuées. Au rond-point de Saint-Ybars, je propose de monter au Carla Bayle, plutôt que de pousser jusqu’au Mas d’Azil. Ça ferait un peu loin par ce temps. J’ai déjà emmené Caro là -haut, elle avait aimé. Alors passé Le Fossat, j’ai viré à droite et attaqué la montée qui mène au village.
CAROLINE
On fait connaissance avec Vincent...
A suivre
Parceval