A l’école de la vie
A l’école de la vie,
Les enfants n’ont pas tous appris,
Pas les bons professeurs,
Les idées ailleurs,
Dans un océan déchaîné,
Une tempête à perpétuité.
La meute de loups hurle dehors.
Dans le box des accusés,
Chien perdu sans collier,
Toi, menotté, abattu, seul,
Toi si Ă©tranger Ă ce monde.
Entre eux et toi,
Ton avocat, son Ă©loquence,
Son empathie, son courage,
Pour défendre, pour comprendre,
Pour donner un autre Ă©clairage,
Un autre cadre,
Une autre vérité.
Une main tendue, enfin.
Ta vie jetée en pâture.
Deux mamans éplorées,
La question tombe,
La question frappe,
La question claque.
Pourquoi tu l’as tuée ?
Toi, tu ne sais pas.
Pour répondre à cette question,
Il te faudra
Descendre ton histoire en rappel,
Sous ton toi en ruine,
DĂ©blayer les gravats, couper les ronces,
Arracher la haine, défricher les mauvaises herbes,
Eradiquer les mauvais conseils,
Nettoyer, panser les plaies,
Et, ensuite, te construire enfin.
Pour répondre à cette question,
Il te faudra le reste de ta vie.
Ils voient le tueur, je vois l’enfant,
L’enfant jeté sur un mauvais chemin,
A laper l’eau du ru empoisonnée,
A chercher la clé de l’énigme de la vie,
A se battre pour rester debout,
A errer, en manque de respect,
A quémander sans cesse une caresse,
A plier sous le poids des reproches,
A crouler sous les mauvais conseils,
A te sentir Ă©tranger Ă ce monde,
A succomber aux méchancetés,
A tomber sous les mots féroces,
A réclamer un doudou, un repère, un guide, un ami,
A déjà être coupable, d’exister.
Ils voient le tueur,
Je vois l’adulte ravagé, écroulé, effondré.
Ta vie, c’est comme,
Conduire une voiture sans permis
Et faire une sortie de route,
Jouer sans connaître les règles
Et perdre, sans arrĂŞt perdre
Et ajouter une règle à chaque partie,
Cheminer sans chemin tracé
Et à chaque mètre avancé, ajouter une borne,
Vivre sans repère, des démons tapis en toi,
Nager, lutter, pour tenir la tête hors de l’eau,
Nager et ne jamais atteindre le rivage,
Chercher la bonne voie,
Une machine imprévisible, en somme.
Quand les problèmes ne sont pas réglés…
Quand on ne sait pas qui on est…
Quand on n’a pas appris à l’école de la vie…
Dans le box des accusés,
J’aurais bien jeté
Ceux qui ne t’ont pas aidé,
Ceux qui t’ont fermé leur porte
Et puis la société
Qui ne contrĂ´le pas
Que les enfants ont appris à l’école de la vie.
Le procès est terminé.
Les loups hurlent toujours,
Dehors et en toi.
Emprisonné dans ton histoire,
Ils ajoutent des grilles, des cadenas.
Les clés te verrouillent, te musèlent.
Les portes fermées t’étouffent, te bâillonnent.
Je hurle au loup.
A nouveau, l’enfant est coupable
De ne pas avoir appris à l’école de la vie.
Il aurait fallu libérer ta parole,
Pour apprendre, pour comprendre,
Pour ajouter des remparts, des radars, des blocages,
Des contrĂ´les, des gendarmes, des militaires,
Pour que plus jamais,
Un enfant innocent devienne un adulte tueur,
Pour Ă©viter cela, Ă tout prix, Ă temps.
Il est encore trop tard.
J’aurais voulu, ce soir-là ,
Pour arrĂŞter ton geste fou,
Sonner Ă la porte,
Allumer un projecteur,
Te téléphoner,
Crier, hurler, chanter.
J’aurais voulu
Créer la fête,
Crier Ă tue-tĂŞte.
J’aurais voulu
Voir les forces de l’ordre défiler en rangs serrés
Pour arrĂŞter cette guerre entre toi et toi.
J’aurais voulu…
Il est encore trop tard.
Tu vas purger leur peine.
Mais qui consolera la tienne ?
Leur pardon, tu n’auras pas,
Tu répondras à leur pourquoi.
Mais qui te demandera pardon
De ne pas t’avoir appris
A l’école de la vie ?
Dans cette histoire,
Qui est coupable, qui est innocent ?
Qui sont les chiens, qui sont les loups ?
Le soir tombe.
Je coule encore et encore dans mes angoisses.
Je suis à nouveau piégée dans mon histoire,
A cette heure grise, si justement nommée,
Entre chien et loup.
Je vis sur la ligne de partage
Entre deux mondes qui se fuient, se combattent,
Se condamnent, se nient.
Mais ils auraient fait quoi ?
Ils seraient devenus qui ?
S’ils avaient été élevés par des loups ?
Je jette des ponts, sème la bonne parole.
Je me réfugie dans mon église.
Et là , n’en déplaise à ses détracteurs,
Je trouve les seuls mots qui me réconfortent :
Pardon, Paix, Respect.
Je nous les offre, Ă nous, les anciens enfants,
N’ayant rien appris à l’école de la vie,
Pour ponctuer nos histoires en peine,
Pour avancer quand mĂŞme,
Pour soigner nos plaies béantes,
Pour sourire enfin Ă la vie,
Pour arrĂŞter de pleurer.
Je nous les offre en épilogue de nos trop lourds passés,
Pour ponctuer nos histoires cabossées.
Je les trace en calibri, en verdana, en arabesque,
En gothique.
Je les colorie en cyan, magenta, paille, azur,
En bouton d’or.