Kharboucha était une "Cheikha"
D'une exceptionnelle aura
Au temps noir de la "Siba"
Kharboucha chanta sa célèbre " Aïta"
Son chant suspendit le temps
Son souffle amplifia l'ouragan
Sa voix ébranla les mots
Son verbe éveilla les volcans
Kharboucha chanta
Sa chanson fit pleurer les hommes
Ils pleurèrent comme des enfants
Leurs viscères se tordirent d'affliction
Leurs foies se perforèrent de peine
Leurs cœurs se brisèrent comme de la porcelaine
Leurs yeux coulèrent comme des fontaines
Ils sanglotèrent et gémirent
Poussèrent des soupirs
Et eurent envie de mourir!
Kharboucha chanta
Défiant l'omerta
Et le temps s'arrêta
D'où venait ce chant ensorcelant?
D'où venait ce don?
Des anges ou des démons?
D'où venait ce talent?
Qu’importe!
Kharboucha chanta
Et se révolta
Son chant libéra les enfants
Son cri strident alluma la sédition
Son chant insolent brava le tyran
Comment?
Une femme
Une femme seule
Une femme sans force
Une femme sans défense
Une femme sans assistance
Eut le courage et la résistance
L'audace et l'outrecuidance
L'arrogance et l'imprudence
L'insolence et l'impudence
De dire: "NON!"
Faisant affront
Au tyran!
N'eut-elle donc pas peur
De sa colère, de sa fureur
De sa vengeance, de sa terreur?
Comment osa-t-elle
Simple mortelle
Si faible et si frêle
Devant ce despote si cruel
Devenir insoumise et rebelle
Séditieuse et réfractaire
Subversive et révolutionnaire
Téméraire et suicidaire?
Qu'importe!
Kharboucha chanta
Dénonça et critiqua
Avec satire et ironie
L'ignominie de son ennemi
Ses mots rasoirs
Ses mots poignards
Déchiquetèrent sa chair
Avilirent sa grandeur
De redoutable seigneur
Kharboucha blessa
Le terrible Caïd Aïssa
Elle s'insurgea, se révolta
Et se libéra en chantant
Le chant de la rébellion!
L'horrible tyran
Le Caïd omnipotent
Écuma d'indignation
Étouffa d'irritation
Sa rage, son ire, sa colère
Furent si spectaculaires
Tellement sanguinaires
Qu'elles furent trembler la terre
Et fuir les oiseaux crépusculaires
La Cheikha Kharboucha
Se révolta et résista
Défia et refusa
L'infamie et la tyrannie
La sauvagerie et la barbarie
Le carnage et la tuerie
L'esclavage et l’ignominie
Elle se dressa et chanta
Sa Aïta qui la tua!
Le monstre sanguinaire et féroce
La fit emmurer vivante
Le jour même de ses noces
Mort abominable et atroce!
Elle résista jusqu'au bout
Et mourut debout
Fière et altière
Les yeux ouverts
Sa chair épousa le mur
Ses os fortifièrent les pierres
Son sang arrosa la terre
Elle devint poussière
Et revint à la terre!
Kharboucha ne mourut guère
Elle demeura vivante
Symbole éternel
De la Femme libre et rebelle
Et jusqu'à présent
Les Cheikhates de ma terre fière
Chantent encore sa Aïta légendaire
Faisant pleurer les hommes
Et chaque fois que se lève le vent
En aval ou en amont
Chaque fois qu'il se déchaîne
Les enfants de la plaine
Entendent le vent
Chanter ce nom
Kharboucha, Kharboucha, Kharboucha ...
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Tous droits réservés
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Agadir, le 8/2/2014
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-Cheikha : Chanteuse et danseuse populaire marocaine. Pluriel : Cheikhates.
-La Siba : Ensemble des territoires en dissidence permanente, hors du contrôle du "Makhzen".
-La Aïta : signifie en français " appel, cri ou complainte". C'est un chant rural spécifiquement marocain, chanté en Darija ( arabe dialectal marocain) par des groupes mixtes composés de musiciens et chanteurs ainsi que des chanteuses et danseuses( les Cheikhates).
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!